La bouteille à gin a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle témoigne des habitudes de consommation d'alcool par les bûcherons sur les camps forestiers du Québec au milieu du XXe siècle.

La bouteille à gin en verre de couleur vert clair est soufflée à la machine automatique dans un moule vertical en deux parties avec base séparée au cours des années 1940, dans une usine au Canada. Des lignes verticales moulées sont apparentes sur toute la surface de la bouteille, ainsi que l'inscription « REGISTERED CANADA 51–1079 » qui est moulée sous le fond du récipient.

La bouteille à gin est un contenant utilisé pour la conservation d'une boisson alcoolisée à base de genièvre. À l'origine, la bouteille arbore possiblement une étiquette en papier portant la marque de son fabricant. Selon la forme et la couleur de la bouteille, celle-ci contient probablement du gin dit « De Kuyper », une boisson alcoolisée hollandaise à base de genièvre, très populaire au Québec. Bien que le gin ait été introduit au Canada dès la fin du XIXe siècle, c'est au cours des années 1930 que la compagnie De Kuyper implante des distilleries au Canada et aux États unis pour répondre à la demande croissante de la population. À l'époque, le gin est une boisson alcoolisée plus accessible et moins chère que les autres spiritueux.

D'après le contexte de sa découverte, le contenu de cette bouteille aurait été consommé par un bûcheron dans un camp forestier. Sur les chantiers, l'alcool est alors formellement proscrit par les compagnies forestières. Cependant, la présence de nombreuses bouteilles sur le site atteste que les bûcherons s'adonnent tout de même à la consommation de ces produits prohibés. Le recours aux boissons alcoolisées par les travailleurs pouvait représenter un moyen de solidifier l'appartenance au groupe social ou de relâcher le stress physique et psychologique du travail par exemple. De plus, la croyance populaire à l'époque est que l'alcool fort permet de combattre le froid et de prévenir la grippe. Le gin en particulier est reconnu pour ces propriétés curatives, souvent publicisé d'ailleurs comme un produit pharmaceutique.

La bouteille de gin a été mise au jour en 2016 sur le site archéologique du camp forestier de la Vieille-Écluse, situé dans le parc national du Lac-Témiscouata dans le Bas-Saint-Laurent. Ce camp aurait été exploité par la compagnie forestière Fraser Limited de 1943 à 1950. Le chantier est alors composé d'un bâtiment principal combinant la cuisine et le dortoir des hommes, du bureau du contremaître agissant également comme magasin du camp, ainsi que d'une écurie. Ces bâtiments en bois rond sont organisés autour d'une aire centrale dégagée. De larges fosses ont également été retrouvées dans la forêt à proximité des camps, indiquant l'emplacement des anciennes « bécosses », ou latrines extérieures. C'est à l'intérieur et autour de ces fosses que la majorité des artéfacts ont été répertoriés sur le site, soit dans un contexte de rejet. La bouteille a été retrouvée sur un dépotoir de surface.