Le Palais de l’intendant à l’époque de la Nouvelle-France (1684-1759) : Occupation domestique et fonction administrative
Paul-Gaston L’Anglais
Fouillé depuis plus de trente années (1982 à 2016) par les étudiant(e)s de premier et de deuxième cycle en archéologie de l’Université Laval, de même que par le service d’archéologie de la Ville de Québec, le site de l’îlot des Palais (CeEt-30) a livré des milliers d’artefacts. La sélection d’artéfacts présentée ici permet d’examiner de plus près la culture matérielle directement associée aux intendants qui ont occupé le site au cours de la période coloniale française.
Quelles traces nous ont laissé ces intendants durant leur séjour à Québec ? Presque exclusivement des articles en céramique et en verre. Bien que récoltés dans divers secteurs du site, ils témoignent, pour notre plus grand bonheur, de la présence de ces administrateurs durant une grande part de l’époque de la Nouvelle-France (1684 à 1759). Du premier palais et de ses occupants (1684 à 1713), les archéologues ont fouillé une partie des caves et une fosse de latrines extérieure. Une autre fosse de latrines est quant à elle liée au second palais (1716 à 1759). Enfin, la fouille de la cour centrale a livré quelques objets couvrant toute la période française.
Que nous apprennent ces objets de la vie des intendants qui les ont acquis, utilisés puis jetés ou abandonnés? D’abord, une nette dominance de la vaisselle de table, davantage dédiée à la consommation des aliments qu’au service. Cette domination des assiettes n’est pas inédite : elle s’accorde avec le service à la française, en cours à cette époque, qui exige le remplacement des assiettes de tous les convives à chaque service de mets. Or, un repas peut compter entre quatre et six services, ce qui nécessite un vaisselier bien garni en assiettes. Par contre, on remarque que les intendants qui ont occupé le deuxième palais ont laissé sur place quantité d’assiettes de qualité moindre, indignes de garnir leur table. Peut-on y voir la vaisselle utilisée par leurs domestiques? Cette hypothèse est plausible.
La collection illustre aussi un changement dans les habitudes de table, lequel doit correspondre à la mort du roi Louis XIV en 1715. En effet, les contextes antérieurs à 1713 ont livré de nombreuses coupes en faïence de Nevers, de formats et de décors différents. Ces articles servaient à la présentation des fruits ou des desserts, en pièces montées. Aucune n’a été retrouvée dans les latrines du deuxième palais, signe de la disparition de cette façon de faire avec la mort du roi. Fait notable, cet objet en faïences s’avère être la copie, tant sur les plans formel que décoratif, de la soucoupe en porcelaine de Chine ; ce produit était difficilement accessible en raison de son prix excessif. Malgré cela, quelques intendants possédaient tout de même des plats, des gobelets et des tasses en porcelaine importée de Chine, probablement associées à la consommation des nouveaux breuvages chauds exotiques qu’étaient alors le chocolat, le café et le thé.
Des verres à vin et des bouteilles à boissons alcoolisées accompagnaient tous les intendants lors de leur séjour à Québec. Si les modèles ont changé quelque peu, leur présence constante dénote l’importance de la consommation, sans doute quotidienne, de ce nectar importé de France. Qui plus est, nous avons identifié une bouteille de champagne mousseux, dont la consommation connait un engouement après la mort de Louis XIV.
À cela s’ajoutent des articles de cuisine (des terrines et des bols pour la préparation des repas, des pots pour leur cuisson) ainsi que des objets reliés à l’hygiène (pots de chambre, cuvettes, pot à eau).
Enfin, la présence sur place d’une sentinelle des Compagnies franches de la marine pourrait être suggérée par la découverte d’un bouton d’uniforme en laiton. En effet, bien que l’intendant n’ait pas disposé, contrairement au gouverneur, d’une garde personnelle pour le protéger, les sommes d’argent conservées au palais auraient pu justifier la présence constante d’une garde armée.
ARTÉFACTS DE CETTE FAMILLEÉmilie Deschênes 2018, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d’archéologie et d’histoire de Montréal
Émilie Deschênes 2018, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d’archéologie et d’histoire de Montréal