La collection du fort de Ville-Marie :
raconter la fondation de Montréal
Paul-Gaston L’Anglais
Quelle ne fut pas la surprise des archéologues, au début des années 2000, de voir jaillir, sous les coups répétés de leurs truelles aiguisées, des vestiges témoignant de l’implantation des premiers montréalais en 1642. Il s’agissait d’une découverte majeure, à la limite inespérée! Le site a fait l’objet de fouilles minutieuses dans le cadre de l’école de fouilles en archéologie historique de l’Université de Montréal entre 2002 et 2014.
Les historiens savent, depuis des siècles, que les pionniers et pionnières se sont établis dans le fort de Ville-Marie, érigé à l’intersection de la rivière Saint-Pierre (aujourd’hui canalisée) et du fleuve Saint-Laurent. Ils savent aussi que le fort était sous la gouverne de Paul de Chomedey de Maisonneuve et de Jeanne Mance. Même le nom et le métier de ces bâtisseurs leur sont connus.
À ces connaissances écrites, les archéologues ont ajouté les connaissances issues des vestiges laissés par les habitants du fort. Et quelle variété! De la vaisselle en terre cuite pour préparer, cuire, servir et consommer des aliments. Des munitions en plomb de calibres variés pour chasser et se défendre contre l’Iroquois. Des outils pour réparer les armes à feu et les haches. Des navettes à encens et une lampe de sanctuaire pour rendre grâce à Dieu dans la chapelle du fort.
Qui plus est, le niveau social des différents occupants du fort transpire à travers la plupart des céramiques abandonnées sur place : plats de service en faïence blanche d’inspiration italienne, assiettes au décor copié de la Chine, écuelle en terre cuite colorée, verre à vin fin dans le style de Venise… Ces articles rares ne peuvent qu’avoir garni la table du chef de l’établissement, de Maisonneuve! Ils côtoient, parmi les vestiges récoltés, des terrines à écrémer le lait et des pots à cuire et à réchauffer les aliments, autant d’articles d’usage communal partagés par les soldats et les colons résidant au fort.
Ces objets en céramique et en verre, bien que volumineux, ne sont représentés que par des petits fragments. Aucun n’est complet, comme s’ils s’étaient fracassés en mille miettes après avoir été projetés au sol avec force. L’état partiel de ces objets s’expliquerait entre autres par la fragilité du matériau, puis par le bouleversement des sols après l’abandon du site. Et il ne faut point oublier que seule une petite portion du site a été livrée aux archéologues : le fort s’étendait à l’origine sous les rues et bâtiments avoisinants le pavillon du Fort de Ville-Marie à Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire de Montréal.
Quoi qu’il en soit, cette collection est un précieux apport à l’avancement des connaissances relatives à l’environnement matériel de ces pionniers et pionnières. Elle nous raconte l’histoire d’individus qui ont quitté leur France natale, qui se sont installés, ont mangé, ont prié, ont chassé et se sont défendus sur un continent qu’ils ont dû apprendre à découvrir.
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