La bouteille de sirop Lambert a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle est représentative des produits pharmaceutiques utilisés par les bûcherons dans les camps forestiers du Québec au milieu du XXe siècle.

La bouteille à sirop Lambert en verre transparent de couleur brune est soufflée à la machine entre 1891 et 1950, probablement à Montréal. De forme ovale de type « flasque », la bouteille est fabriquée à la machine automatique dans une usine de la Dominion Glass établie à Montréal. La marque du fabricant moulée dans le fond, composée de la lettre « D » placée dans un cercle, correspond à cette compagnie. Les marques de moule présentes sur la bouteille indiquent une production au moule en deux parties avec une base séparée, une technique employée dès la fin du XIXe siècle, mais mécanisée depuis les années 1920. La bouteille possède des épaules arrondies et un goulot à lèvre filetée pour recevoir un bouchon vissable en métal, toujours en place. L'inscription moulée en relief sur l'épaule « DR. JO. LAMBERT/LIMITED/MONTREAL-NEW YORK », identifie le fabricant du contenu de la bouteille. Une étiquette de papier décrivant le mode d'emploi était probablement collée à l'origine sur les deux faces extérieures de la bouteille.

La bouteille à sirop est un contenant servant à entreposer des produits pharmaceutiques, dans ce cas-ci, du sirop de marque Lambert. Selon l'historique de la compagnie, le produit serait conçu et breveté par Joseph Olivier Lambert à Drummondville en 1887, alors que la compagnie J. O. Lambert Limited n'est créée qu'en 1891. Les publicités de l'époque vantent les propriétés médicinales de ce remède qui est censé guérir les rhumes, les bronchites et l'asthme. Cette bouteille a une capacité de six onces.

D'après le contexte de sa découverte, la bouteille de sirop aurait été utilisée par des bûcherons dans un camp forestier au milieu du XXe siècle. Les sirops, toniques et autres remèdes y sont alors populaires comme moyen d'automédication. En l'absence de médecin, les travailleurs doivent veiller à leur propre santé et à soulager les maux causés par le travail physique intense et les conditions de vie difficiles (froid, mauvaise hygiène, etc. ). La présence de cette bouteille de sirop sur un chantier rappelle l'importance accordée au maintien d'une bonne santé dans un contexte où les travailleurs ne peuvent se permettre de tomber malades. Depuis les années 1930, les travailleurs sont désormais rémunérés à la pièce, c'est-à-dire en fonction du nombre d'arbres coupés. Leur salaire est donc directement lié à leur niveau de productivité. Certains produits pharmaceutiques, comme le sirop Lambert, peuvent être achetés au magasin de la compagnie en déduisant le montant du produit de la paie de l'employé. Enfin, il ne faut pas écarter l'hypothèse que cette bouteille à médicament ait été réutilisée comme flasque à alcool frelaté. L'histoire orale documente cette pratique courante chez les bûcherons pour s'approvisionner en alcool et en consommer discrètement dans les chantiers.

La bouteille à sirop a été mise au jour en 2016 sur le site archéologique du camp forestier de la Vieille-Écluse, situé dans le parc national du Lac-Témiscouata dans le Bas-Saint-Laurent. Ce camp aurait été exploité par la compagnie forestière Fraser Limited de 1943 à 1950. Le chantier est alors composé d'un bâtiment principal combinant la cuisine et le dortoir des hommes, du bureau du contremaître agissant également comme magasin du camp, ainsi que d'une écurie. Ces bâtiments en bois rond sont organisés autour d'une aire centrale dégagée. De larges fosses ont également été retrouvées dans la forêt à proximité des camps, indiquant l'emplacement des anciennes « bécosses », ou latrines extérieures. C'est à l'intérieur et autour de ces fosses que la majorité des artéfacts ont été répertoriés sur le site, soit dans un contexte de rejet. La bouteille a été retrouvée dans un dépotoir de surface.