Laboratoire d'archéologie du Québec
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Tuile à essai. Vue généraleImage
Photo : Mathieu Mercier Gingras 2023, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Tuile à essai. Côté AImage
Photo : Mathieu Mercier Gingras 2023, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Tuile à essai. Côté BImage
Photo : Mathieu Mercier Gingras 2023, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

580G

Contexte(s) archéologique(s)

Remblai

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La tuile à essai a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle représente un outil de potier reflétant la production d'objets en grès nord-américain au cours du XIXe siècle au Québec. Elle a également été choisie parce qu'elle est un bon exemple de tuile à essai ou de témoin réalisée par tournage. Elle est aussi représentative du type de matériel retrouvé dans les remblais de rehaussement situés en dehors d'un site de production céramique, qui sont composés majoritairement de rejets de production.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La tuile à essai en grès grossier nord-américain est produite à Saint-Jean, aujourd'hui Saint-Jean-sur-Richelieu, entre 1840 et la fin du XIXe siècle. À partir d'argile importée des États-Unis, le potier façonne une jarre au tour. Il recouvre son intérieur d'un engobe dit « Albany », puis il coupe la jarre à l'aide d'un fil de métal en plusieurs tuiles à essai.

La tuile à essai, ou témoin, sert à évaluer la tenue et le comportement de la glaçure, de l'argile et de l'engobe lors de la cuisson. Ces objets permettent au potier d'évaluer le produit final et d'éviter certaines erreurs de cuisson. Cet objet peut également servir de témoin : plusieurs objets comme celui-ci sont placés dans le four, puis sont retirés un à un en cours de cuisson, à des moments différents, à l'aide d'une tige de métal passée à travers le trou de regard du four. Le potier examine et évalue l'objet extrait. Il peut le briser en deux pour observer la pâte. La cuisson perdure jusqu'à ce que la finition désirée sur une tuile à essai ou témoin soit atteinte. Les tuiles à essai peuvent être conservées comme référence ou elles peuvent être jetées peu de temps après la cuisson.

La tuile à essai a été mise au jour sur le lieu historique national du Canal-de-Chambly, situé à Saint-Jean-sur-Richelieu, en Montérégie. La vallée du Richelieu est longtemps demeurée une région importante de la production céramique au Québec, d'abord avec les potiers de la ville de Saint-Denis au XVIIIe siècle, puis à partir du milieu du XIXe siècle avec Saint-Jean et Iberville, aujourd'hui Saint-Jean-sur-Richelieu. Au cours du XIXe siècle, de nombreuses fabriques s'installent sur les deux rives de la rivière. L'établissement de la première fabrique canadienne de poterie en grès en 1840 à Saint-Jean par Moses Farrar et Isaac Newton Soule marque le début d'une longue tradition de production céramique dans la ville. L'inauguration en 1836 du premier chemin de fer, reliant Saint-Jean et Laprairie, ainsi que l'ouverture du canal de Chambly en 1843 favorisent Saint-Jean au détriment de Saint-Denis dans la production céramique. Dans les décennies suivantes, les diverses manufactures de Saint-Jean produisent principalement des contenants en grès à glaçure saline et engobe Albany. Les années 1860 et 1870 voient une diversification des types de céramiques produites avec la terre cuite fine à glaçure Rockingham, à pâte jaune et à pâte blanche.

L'industrie est prospère jusqu'à la fin du XIXe siècle, où la haute concurrence avec le marché international affecte la région. La production de contenants en grès semble d'ailleurs décliner vers 1875 à Saint-Jean, mais la production cesse définitivement dans la région en 1930 avec la fermeture à Iberville de la dernière fabrique de grès. Les entreprises se tournent alors vers la fabrication de nouveaux produits : les objets sanitaires en porcelaine. Ce changement permet à la région de demeurer un grand producteur céramique jusqu'au milieu du XXe siècle. La fermeture en 2001 de la Crane Limited, dernière usine céramique de Saint-Jean-sur-Richelieu, marque la fin de l'industrie. Des traces de cette ancienne industrie sont trouvées un peu partout dans la ville, soit par la découverte de vestiges d'anciennes fabriques ou par la mise au jour de nombreux remblais de rehaussement réalisés à l'aide de déchets de production.

La tuile a été trouvée dans un remblai de nivellement daté du dernier tiers du XIXe siècle dans le secteur Saint-Jean. Le remblai comportait majoritairement des rejets de production en grès et quelques-uns en terre cuite fine à pâte chamois ou jaune avec ou sans glaçure Rockingham.

RÉFÉRENCES

COLLARD, Elizabeth. Nineteenth-Century Pottery and Porcelain in Canada. Kingston / Montréal, McGill-Queen's University Press, 1984. 477 p.
DICK-JACOBSON, Talva. A View of Folk Pottery's Muddy Past as Seen Through Clay: An Analysis on a Sample of Ceramics found at the Historic Caldwell Pottery Factory Site in Arrow Rock, Missouri. Memorial University of Newfoundland, 2009. 189 p.
FORTIN, Réal. Poterie et Vaisselle : Saint-Jean et Iberville. Saint-Jean-sur-Richelieu, Mille Roches, 1982. s.p.
LAMBART, Helen H. Deux siècles de céramique dans la vallée du Richelieu. Publications d'Histoire. Ottawa, Musées nationaux du Canada, 1975. 22 p.
LITH, Jean-Paul van. Céramique : dictionnaire encyclopédique. Paris, Éditions de l'Amateur, 2000. 452 p.
Patrimoine Experts. Expertises archéologiques (2019-2021): Aménagements des abords du nouveau pont Gouin à Saint-Jean-sur-Richelieu (MTQ) sur le LHNC du Canal-de-Chambly (580G) et dans le secteur Iberville (BhFh-16). Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ministère des Transports du Québec, 2022. 251 p.
WEBSTER, Donald Blake. Early Canadian Pottery. s.l. McClelland and Stewart, 1971. 256 p.