Laboratoire d'archéologie du Québec
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Tuile à essai. Côté AImage
Photo : Mathieu Landry 2023, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Tuile à essai. Côté BImage
Photo : Mathieu Landry 2023, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Tuile à essai. ProfilImage
Photo : Mathieu Landry 2023, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CeEu-3 > Opération 10 > Sous-opération A > Lot 4 > Numéro de catalogue 44ab

Contexte(s) archéologique(s)

Dépotoir
Manufacture

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

Les tuiles à essai ont été sélectionnées pour la collection archéologique de référence du Québec, car il s'agit d'un outil de potier utilisé pour la production d'objets en terre cuite fine jaune au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle au Québec. Elles ont également été choisies parce qu'elles représentent un bon exemple de tuile à essai réalisée dans un objet rejeté en cours de production.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

Les tuiles à essai en terre cuite fine jaune sont réalisées à la Poterie de Cap-Rouge, à Québec, entre 1860 et 1892 à partir d'un bol rejeté en cours de production. Afin de créer ses produits, la manufacture de Cap-Rouge importe des États-Unis et d'Angleterre la majorité de ses matières premières en plus d'utiliser des matières locales. Un bol est d'abord tourné au tour à potier, rachevé puis décoré de lignes à l'engobe bleu et brun. Pour une raison indéterminée, le bol est jugé insatisfaisant, et comme il est décoré, l'argile ne peut être recyclée. Le bol à l'état dit cuir est alors découpé en plusieurs tuiles à essai. Elles sont percées d'un trou de suspension, puis elles sont séchées et cuites. Après la cuisson, une glaçure brune est versée sur la surface interne et les tuiles sont cuites à nouveau.

La tuile à essai est un objet de travail servant à évaluer la tenue et le comportement de la glaçure sur un objet céramique en volume lors de la cuisson. Pour les potiers, la production de telles tuiles est nécessaire pour tester tout nouveau mélange d'argile et de glaçure, puisque leurs réactions peuvent grandement varier lors de la cuisson. Ces tuiles permettent au potier d'évaluer le produit final, mais également d'éviter certaines erreurs de cuisson. L'artisan consigne méticuleusement les recettes et les résultats comme référence. C'est le cas du maître-potier américain Philip Pointon (vers 1831-après 1881), qui compile soigneusement ses recettes dans un manuscrit, incluant ses glaçures dites « Rockingham » datant de ses années de travail à la Poterie de Cap-Rouge. L'une de ses premières recettes de Rockingham emploie du rouge de plomb, de l'engobe en argile, du silex, du feldspath et du manganèse. Selon Pointon, cette recette datée de 1860-1862 est une amélioration de celle élaborée à St. Albans, au Vermont. D'autres ingrédients sont parfois ajoutés pour améliorer la recette, pour diminuer les coûts de production, pour trouver une alternative en raison d'un problème d'approvisionnement, ou encore simplement pour changer l'aspect visuel du produit fini. Il utilise par exemple en 1870 de l'argile rouge de Cap-Rouge au lieu de l'engobe en argile d'Albany, ce qui produirait un brun moins opaque.

La tuile à essai a été mise au jour en 1986 sur le site de la Poterie de Cap-Rouge, à Québec. La fabrique est fondée à l'été 1860 par les hommes d'affaires de Québec, Jean Henry Howison (vers 1833-après 1862), John Pye (1815-1884) et Zéphirin Chartré (1812-après 1872). L'objectif est d'y confectionner de la vaisselle et des objets usuels en céramique de type terre cuite fine jaune à glaçure incolore au plomb « Yelloware » ou à glaçure brune à base de manganèse de type « Rockingham ». Les premières céramiques produites sont mises aux enchères au printemps 1862 à Québec où près d'une centaine de paniers de céramique sont offerts à la vente. Malgré des débuts prometteurs, les propriétaires et la manufacture de Cap-Rouge sont saisis en novembre 1862. À partir de cette date, l'entreprise passe aux mains de plusieurs propriétaires. Les années 1870 seraient les plus prolifiques. Plusieurs ouvriers locaux sont employés selon la santé économique de l'entreprise. Elle fait aussi appel à des travailleurs étrangers spécialisés, dont Pointon et le modeleur William Hancock (1845-1924) de Baltimore. Au cours de son activité, la manufacture produit par tournage, calibrage ou moulage une variété de contenants. Les productions sont expédiées un peu partout au Québec (Montréal, Québec, Percé, Sorel, Trois-Rivières, Sherbrooke, Arthabaska, Saint-Hyacinthe, etc. ). La manufacture exporte également ses objets en Ontario et dans les provinces de l'Atlantique. La date exacte de sa fermeture est encore incertaine, mais la fabrique est démolie officiellement en 1892.

RÉFÉRENCES

BEAUDRY DION, Jacqueline et Jean-Pierre DION. Philip Pointon (1831-1881) Maître-potier à Baraboo, Cap-Rouge, Trenton, Baltimore, Saint-Jean. Saint-Lambert, 2013. 128 p.
BELLEAU, Mimi L. Technologie des matériaux céramiques. (Québec), Claude Belleau Éditeur, 2017. s.p.
CHAVARRIA, Joaquim. L'émaillage. L'École de poterie. Paris, Gründ, 2000. 64 p.
CÔTÉ, Alain et Carl LAVOIE. La Poterie de Cap-Rouge, 1860-1892. Cap-Rouge, La Société historique du Cap-Rouge, 1991. 64 p.
Ethnoscop inc. Patrimoine archéologique des poteries, briqueteries, tuileries et fabriques de pipes au Québec. Étude produite dans le cadre de la participation du Québec au Répertoire canadien des lieux patrimoniaux, volet archéologique. Québec, Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2009. 52 p.
LAVOIE, Carl. Recherches archéologiques, 1986, poterie de Cap-Rouge, CeEu-3. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ville de Cap-Rouge, 1987. 95 p.
LITH, Jean-Paul van. Céramique : dictionnaire encyclopédique. Paris, Éditions de l'Amateur, 2000. 452 p.