Laboratoire d'archéologie du Québec
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Fragment de bouteille à boisson gazeuse. Vue extérieureImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Fragment de bouteille à boisson gazeuse. Vue intérieureImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Fragment de bouteille à boisson gazeuse. Vue en coupeImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Fragment de bouteille à boisson gazeuse. Détail de l'inscriptionImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CfEt-5 > Opération 6 > Sous-opération A > Lot 7 > Numéro de catalogue 16

Contexte(s) archéologique(s)

Brasserie

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

Le fragment de bouteille à boisson gazeuse a été sélectionné pour la collection archéologique de référence du Québec, car il est lié à l'embouteilleur de Québec Elzéar Fortier. Il a aussi été choisi parce qu'il témoigne des pratiques de récupération et de réutilisation des bouteilles en verre par la brasserie de Beauport (1895-1910), un site archéologique majeur de la région de Québec. Elle provient également d'un important dépôt de verre de cette brasserie, permettant d'avancer l'hypothèse que celle-ci devait racheter des lots de bouteilles vides dont certaines devaient être rejetées d'emblée.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

Le fragment de bouteille à boisson gazeuse en verre teinté régulier de couleur verte fait partie d'un contenant fabriqué entre 1890 et 1910, d'après l'inscription moulée visible sur l'objet et le contexte de sa découverte. L'inscription « E. FORTIE [R] » identifie une compagnie qui fabrique et embouteille des boissons gazeuses et des eaux minérales fondée à Québec en 1890 par Elzéar Fortier (1855-1939). La compagnie est prospère jusqu'en 1963, année où elle est rachetée par la Alex Coulombe ltée.

Ce récipient servant au transport et à l'entreposage de boisson gazeuse ou d'eau minérale est recyclé. Le principe du recyclage des bouteilles en verre est établi en Amérique du Nord dès le XVIIIe siècle, en raison de leur coût de fabrication élevé. Il est alors d'usage d'importer des vins et spiritueux d'Europe, pour ensuite réutiliser les contenants pour embouteiller des produits locaux, comme la bière. Avec la mécanisation des procédés de fabrication des contenants de verre, une grande variété de contenants sont développés pour chaque secteur commercial. La marque du produit et le nom du fabricant peuvent alors apparaitre sur une étiquette ou sont moulés en relief. Ce principe procure une propriété légale à l'entreprise, mais l'oblige également à mettre en place un système de recyclage coûteux et plus ou moins efficace. Vers la fin du XIXe siècle, aux États-Unis, c'est environ 35 % des bouteilles vides qui sont retournées. Les embouteilleurs doivent combler le manque par l'utilisation d'autres bouteilles portant parfois la marque d'une compagnie concurrente. Aux États-Unis, en 1935, une loi est votée interdisant la revente de bouteilles.

Le fragment de bouteille à boisson gazeuse est mis au jour en 1987, sur le site de la brasserie de Beauport, du côté est du mur de refend de la maison de drêche. La qualité d'une bière repose essentiellement sur la qualité de l'eau entrant dans sa composition, expliquant l'implantation des brasseries du XIXe siècle près des cours d'eau. C'est le cas du complexe industriel de Beauport, où trois grandes entreprises s'établissent près de la rivière. S'y succèdent la distillerie-brasserie Young/de Beauport (1792-1810), la brasserie Racey/de Beauport (1810-1863) et la brasserie de Beauport (1895-1911). Ces établissements sont parmi les plus anciens construits dans la région.

En 1895, la Compagnie de brasserie de Beauport s'installe sur une partie du complexe, à l'emplacement de l'ancien moulin Brown. Elle se spécialise alors dans la production de « lager beer », de bière double et de porter. Sa réputation grandit rapidement. Une ligne de chemin de fer est même aménagée près de la brasserie, facilitant ainsi le transport de la bière. L'entreprise possède tous les équipements nécessaires à l'embouteillage et au lavage des bouteilles retournées et réutilisées. Malgré son succès, la brasserie de Beauport connait des difficultés financières en raison d'une concurrence féroce entre brasseurs au début du XXe siècle. Elle déclare faillite en 1911, et l'entreprise est alors vendue à la National Breweries. Les bâtiments sont détruits vers 1932.

Ce fragment de bouteille, retrouvé dans un important dépôt de verre, permet d'avancer l'hypothèse que la brasserie de Beauport devait racheter des lots de bouteilles vides, même de compagnies rivales, dont certaines devaient être rejetées d'emblée. Un exemplaire portant l'inscription « Fortier et Cie » a également été retrouvé sur le même site en 1996.

RÉFÉRENCES

BUSCH, Jane. « Second Time Around: A Look at Bottle Reuse ». Historical Archaeology. Vol. 21, no 1 (1987), p. 67-80.
Ethnoscop inc. Sondages archéologiques sur le site de la distillerie et la brasserie de Beauport. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ville de Beauport/MAC, 1988. 90 p.
FISET, Richard. Brasseries et distilleries à Québec (1620-1900) : Profil d'archéologie industrielle. Université Laval, 2001. 538 p.
Ville de Québec. « Distillerie et brasserie de Beauport : Pour étancher la soif des Québécois ». Ville de Québec. Site officiel de la Ville de Québec [En ligne]. https://archeologie.ville.quebec.qc.ca/sites/distillerie-et-brasserie-de-beauport/distillerie-et-brasserie-de-beauport-pour-etancher-la-soif-des-quebecois/