La bouteille à médicaments a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle témoigne de la variété des bouteilles pharmaceutiques disponibles sur le marché au tournant du XXe siècle au Québec.

La bouteille à médicaments en verre transparent de couleur brune est fabriquée après 1928, probablement à Paris, en France. Elle est soufflée au moule vertical en deux parties avec base séparée, et la lèvre semble rajoutée par la suite. La datation de l'objet est possible d'après les inscriptions moulées sur le corps de la bouteille, qui identifient le contenu de la bouteille, mais aussi la compagnie produisant ce médicament et son adresse, au 21 rue d'Aumale, à Paris.

Ce contenant à usage pharmaceutique contient de l'hémostyl à l'origine, un sérum permettant de régénérer le sang et d'arrêter les hémorragies, utilisé pour traiter l'anémie et la tuberculose, entre autres. Il est développé, tel qu'il est inscrit sur la bouteille, par le Dr. Roussel.

Gaston Roussel (1877-1947) est avant tout un vétérinaire, diplômé de l'École vétérinaire de Lyon en 1903. Sa thèse, qu'il défend à Paris en 1909, porte sur la syphilis du lapin. Il est nommé l'année suivante « médecin des chevaux de la Ville de Paris ». Il crée ensuite en 1911 à Romainville un laboratoire pour exploiter le sérum de cheval provenant de la seconde saignée. C'est ainsi que l'hémostyl voit le jour, nommé aussi le « sérum du Dr. Roussel », qui est fabriqué à partir du sérum antianémique que fabriquent les chevaux qui ont subi une saignée. Le nom de marque est conçu pour rappeler les propriétés antianémiques du produit. Le sérum est vendu sous forme d'ampoules buvables et de comprimés. Il devient rapidement un classique pour traiter l'anémie, la tuberculose et les hémorragies et, en 1914, il est inscrit au premier « Dictionnaire des spécialités pharmaceutiques ». Le Dr. Roussel bâtit une véritable industrie pharmaceutique à partir de ses recherches sur l'hémostyl. En plus de servir comme médecin auxiliaire aux fronts de la Première Guerre mondiale, il est membre fondateur de plusieurs instituts et laboratoires. Par exemple, en 1920, il crée avec ses collègues vétérinaires « l'Institut de Sérographie Hématopoïétique ». En 1922, il fonde les « Laboratoires des Proxytases », puis en 1926 il participe à la conception d'une vingtaine d'écuries pouvant abriter près de 1 300 chevaux. L'année suivante il embauche un chimiste, puis se met à produire des médicaments pour le traitement de la syphilis et pour prévenir le rachitisme. En 1928, il fonde, avec d'autres pharmaciens, les « Laboratoires Français de Chimiothérapie » situés au 21, rue d'Aumale à Paris. Parallèlement, les « Usines Chimiques de Laboratoires Français » voient le jour. Son fils prend le relais de son entreprise à sa mort en 1947.

La bouteille à médicaments est mise au jour en 1983 sur le site de la Maison Girardin, à Beauport. Une première maison de bois est construite sur ce site avant 1709, et une seconde la remplace en 1760. Ignace Girard, dit Girardin, forgeron, y bâtit une forge avant 1784, et érige également vers 1800 la maison de ferme en pierre encore visible aujourd'hui. En 1925, le bâtiment devient la propriété des Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame, puis la Ville de Beauport l'acquiert en 1983. Classée monument historique, la maison Girardin devient, en 1997, le Centre d'interprétation de l'arrondissement historique de Beauport.