La fiole à sirop d'anis Gauvin a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle témoigne de la variété des bouteilles pharmaceutiques disponibles sur le marché au tournant du XXe siècle au Québec. De plus, cette bouteille illustre, par sa fabrication au moule vertical en deux parties avec base séparée, les avancées technologiques effectuées en matière de fabrication des contenants en verre au début du XXe siècle.

La fiole à sirop en verre teinté de couleur verte est fabriquée par soufflage au moule en deux parties avec base séparée, à la fin du XIXe siècle à Montréal. Les inscriptions moulées sur le corps de la bouteille identifient son contenu ainsi que son fabricant.

Ce contenant à usage pharmaceutique contient à l'origine un sirop d'anis du Dr Gauvin. D'après une publicité, il est utilisé pour traiter les coliques, la diarrhée, la dysenterie, le choléra des enfants, la toux, la bronchite et la coqueluche. De plus, il est également mentionné qu'il « évite aux bébés les douleurs de la dentition, prévient les convulsions et leur procure un sommeil calme et réparateur. »

C'est en 1894 que la pharmacie du Dr Gauvin (décédé en 1937) apparait dans les annuaires montréalais, située au 1286 Sainte-Catherine. C'est à cette date aussi que l'existence de son sirop d'anis est mentionnée. Au début des années 1920, un laboratoire supplémentaire voit le jour pour combler la demande. En 1933, la pharmacie du Dr Gauvin compte trois succursales de plus, puis change de mains à la mort de ce dernier.

Bien que les publicités le nient, le sirop serait fait à base d'alcool et de morphine. Vanté comme étant « le sauveur de l'enfance » et ayant « arraché des milliers d'enfants à la mort », ce sirop est aussi connu sous le nom de « Baby killer ». Il est considéré comme dangereux, car il peut provoquer une immobilité trompeuse chez l'enfant. Les parents, croyant que l'enfant va mieux, ignorent qu'il est en fait à l'agonie. Ce sirop cause ainsi de multiples morts accidentelles. Pour la province de Québec, entre 1825 et 1932, il y a un total de 84 cas de mortalité impliquant les sirops calmants, dont 26 d'entre eux sont attribuables au sirop d'anis Gauvin.

De plus, donner ce sirop tous les soirs crée une accoutumance chez l'enfant, qui devient « morphinomane en petit », et ne peut plus s'en passer pour s'endormir. Il y a une histoire d'horreur de « bon » père battant son enfant de deux ans pour faire passer son habitude de boire du sirop d'anis. L'enfant en question buvait près de trois bouteilles de sirop par semaine.

La fiole à sirop est mise au jour en 1983 sur le site de la Maison Girardin, à Beauport. Une première maison de bois est construite sur ce site avant 1709, et une seconde la remplace en 1760. Ignace Girard, dit Girardin, forgeron, y bâtit une forge avant 1784, et érige également vers 1800 la maison de ferme en pierre encore visible aujourd'hui. En 1925, le bâtiment devient la propriété des Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame, puis la Ville de Beauport l'acquiert en 1983. Classée monument historique, la maison Girardin devient, en 1997, le Centre d'interprétation de l'arrondissement historique de Beauport.