Laboratoire d'archéologie du Québec
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Pierre à feu. Face AImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Pierre à feu. Face BImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CeEu-11 > Opération 4 > Sous-opération A > Lot 3 > Numéro de catalogue 68

Contexte(s) archéologique(s)

Jardin

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La pierre à feu a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec parce qu'il s'agit d'un objet dérivé d'une pierre à fusil d'origine européenne. Le matériau de la pierre à feu est particulièrement proche de certaines matières premières lithiques nord-américaines, ce qui fait en sorte qu'il a pu être converti en outil lithique spécialisé d'un type traditionnellement utilisé par les Autochtones pour travailler certains matériaux. La pierre à feu témoigne donc des changements de fonctions d'un objet et de l'intégration possible d'un objet européen dans l'univers technologique traditionnel des Autochtones.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La pierre à feu est utilisée à la mission Notre-Dame-de-Lorette à la fin du XVIIe siècle pour allumer le feu et possiblement pour gratter des matériaux divers. Elle est fabriquée à partir d'une pierre à fusil en silex gris rubané. De forme carrée irrégulière, l'outil mesure 2,6 cm de longueur, 2,4 cm de largeur et a une épaisseur maximale de 0,7 cm. Son extrémité distale, les deux rebords latéraux et une des arêtes du talon ont été réutilisés. Deux petites concavités se sont formées sur le front de l'outil et les quatre côtés portent la trace d'enlèvements et d'écrasements. Toutes ces traces semblent témoigner des chocs répétitifs de la pierre contre l'élément métal du briquet qui auraient occasionné le détachement de petits éclats et creusé graduellement les encoches aux points d'impact. La présence de microtraces près du front sur la face ventrale de la pierre suggère en plus que celle-ci a été utilisée comme grattoir. Le bulbe associé à la taille originale est toujours présent.

Du XVIIe au XIXe siècle, et même parfois au XXe siècle, le feu est allumé à l'aide de briquets à percussion principalement. Ces briquets comportent trois éléments, dont deux pour créer l'étincelle et un combustible permettant d'attiser le feu. Plusieurs combinaisons sont possibles, soit des briquets métal contre pierre ou des briquets pierre contre pierre. L'élément en métal est idéalement en acier, soit un batte-feu en forme d'étrier spécialement conçu pour cette tâche, soit une simple lame de couteau. Un objet en fer tel un clou peut remplir cette tâche, quoique moins efficacement qu'un objet en acier. Le deuxième élément est une pierre, comme le silex. Mais autant l'acier que le silex peuvent être remplacés par une pierre ferreuse, soit un nodule de pyrite de fer ou de marcassite. L'entrechoquement entre le briquet métallique et le silex, la pierre à feu, crée une étincelle suffisamment chaude pour pouvoir enflammer un combustible, habituellement de l'amadou.

La pierre à feu a été trouvée lors de fouilles réalisées sur le site du presbytère de L'Ancienne-Lorette en 2018. Elle est associée à une couche mise en place après 1760, mais qui repose en bonne partie directement sur des sols naturels. La couche a subi des bouleversements et les artéfacts trouvés dans la couche sont autant d'origines française qu'anglaise. Quelques objets pouvant être liés à l'occupation de la mission au XVIIe siècle s'y trouvent aussi. La pierre à feu semble aussi appartenir à cette catégorie d'objets plus anciens. L'artéfact se trouve maintenant dans les locaux du Laboratoire et de la Réserve d'archéologie du Québec.

En 2020, la pierre à feu a fait l'objet d'une analyse tracéologique afin de déterminer des traces de réutilisation pouvant être identifiées. L'analyse a permis de localiser un poli des microéclats près du front sur la face ventrale de l'objet. Les traces d'utilisation suggèrent une friction transversale avec un objet dur qui pourrait être liée à l'utilisation de l'objet pour gratter une matière dure, comme de l'os, ou une matière plus souple comme la peau, mais sur une période prolongée. Le type d'artéfact original, une pierre à fusil utilisée pour la chasse ou la guerre, ainsi que la réutilisation possible de la pièce comme outil pour gratter des matières diverses font en sorte que cet artéfact semble plutôt être associé à la communauté autochtone qui était présente sur le site de la mission au XVIIe siècle qu'à l'occupation des presbytères construits sur les lieux à partir du début du XVIIIe siècle.

RÉFÉRENCES

COLLINA-GIRARD, Jacques. Le feu avant les alumettes. Expérimentation et mythes techniques. Archéologie expérimentale et ethnographie des techniques, 3. Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2016. 152 p.
EID, Patrick. « Tailler le silex en Nouvelle-France : Étude des chaînes opératoires lithiques au fort Saint-Louis, Québec ». Archéologiques. No 28 (2015), p. 1-19.
GAIA, coopérative de travail en archéologie. Fouilles archéologiques sur le site du Presbytère de l'Ancienne-Lorette (CeEu-11). Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ville de l'Ancienne-Lorette, 2019. 652 p.