Laboratoire d'archéologie du Québec
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Pierre à feu. Face AImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Pierre à feu. Face BImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CeEu-11 > Opération 7 > Sous-opération Q > Lot 24 > Numéro de catalogue 914

Contexte(s) archéologique(s)

Cellier
Remblai

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La pierre à feu a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec parce qu'il s'agit d'un élément de culture matérielle difficile à identifier et que des analyses tracéologiques ont permis d'affirmer qu'elle porte la trace d'activités compatibles avec la percussion à l'aide d'un batte-feu ou d'une marcassite.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La pierre à feu est utilisée comme élément de briquet servant à allumer le feu sur le site de la mission Notre-Dame-de-Lorette à la fin du XVIIe siècle. Elle est fabriquée en silex de couleur brun tacheté gris pâle et a une forme plus ou moins triangulaire, en demi-croissant de lune, qui se distingue par une pointe manquante. Elle mesure 2,2 cm de longueur, 1,5 cm de largeur maximale et a une épaisseur de 0,8 cm. L'un des deux rebords longs de la pierre est concave, le deuxième est convexe et des traces d'écrasements et d'esquillements dues à des impacts multiples sont visibles sur les quatre arêtes de l'outil.

Du XVIIe au XIXe siècle, et même parfois au XXe siècle, le feu est allumé à l'aide de briquets à percussion principalement. Ces briquets comportent trois éléments, dont deux pour créer l'étincelle et un combustible permettant d'attiser le feu. Plusieurs combinaisons sont possibles, soit des briquets métal contre pierre ou des briquets pierre contre pierre. L'élément en métal est idéalement en acier, soit un batte-feu en forme d'étrier spécialement conçu pour cette tâche, soit une simple lame de couteau. Un objet en fer tel un clou peut remplir cette tâche, quoique moins efficacement qu'un objet en acier. Le deuxième élément est une pierre, comme le silex. Mais autant l'acier que le silex peuvent être remplacés par une pierre ferreuse, soit un nodule de pyrite de fer ou de marcassite.

L'entrechoquement entre le briquet métallique et le silex, la pierre à feu, crée une étincelle suffisamment chaude pour pouvoir enflammer un combustible, habituellement de l'amadou. Le type d'étincelle nécessaire pour allumer le feu peut aussi être obtenu par la percussion entre deux marcassites, entre la pyrite de fer et la marcassite ou entre l'acier et la pyrite ou la marcassite, mais jamais par l'utilisation de deux fragments de silex. C'est en fait le carbone contenu dans le fer de la marcassite, de la pyrite ou de l'acier et le soufre présent dans les pierres qui permettent d'obtenir une étincelle assez chaude pour allumer un combustible, tandis que l'étincelle visible à la suite de la frappe du silex contre le silex est essentiellement lumineuse, mais froide. De plus, cette dernière n'est pas éjectée du point d'impact et ne peut donc pas être projetée sur un combustible.

Le combustible idéal pour créer le feu est l'amadou, tiré de l'amadouvier, un champignon parasite de grande taille qui pousse sur certains arbres feuillus. Son utilisation pour le feu est attestée depuis la préhistoire. Une autre technique pour l'allumage du feu est le procédé par friction.

La pierre à feu a été trouvée lors de fouilles réalisées sur le site du presbytère de L'Ancienne-Lorette en 2018. Elle provient d'une couche associée à l'aménagement et à l'utilisation d'une fosse servant de cellier, qui a été creusée dans le vide sanitaire du deuxième presbytère de L'Ancienne-Lorette, construit sur les lieux après l'abandon de la mission huronne à la fin du XVIIe siècle. Le matériel associé à cette couche comporte des céramiques françaises et d'autres objets européens, mais plusieurs artéfacts sont aussi associés à l'occupation de la mission du XVIIe siècle. La pierre à feu semble aussi appartenir à cette catégorie d'objets plus anciens. L'artéfact se trouve maintenant dans les locaux du Laboratoire et de la Réserve d'archéologie du Québec.

En 2020, la pierre à feu a fait l'objet d'une analyse tracéologique afin de confirmer la fonction de l'objet. L'analyse a permis d'identifier des traces d'un poli très linéaire et très droit près d'une arête de l'objet ainsi que des microéclats pouvant être liés à un impact impliquant une friction avec un objet dur. Les traces pourraient effectivement être liées à une percussion sur la pierre avec un batte-feu.

RÉFÉRENCES

COLLINA-GIRARD, Jacques. Le feu avant les alumettes. Expérimentation et mythes techniques. Archéologie expérimentale et ethnographie des techniques, 3. Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2016. 152 p.
EID, Patrick. « Tailler le silex en Nouvelle-France : Étude des chaînes opératoires lithiques au fort Saint-Louis, Québec ». Archéologiques. No 28 (2015), p. 1-19.
GAIA, coopérative de travail en archéologie. Fouilles archéologiques sur le site du Presbytère de l'Ancienne-Lorette (CeEu-11). Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ville de l'Ancienne-Lorette, 2019. 652 p.