Le jeton de Nuremberg a été choisi parce qu'il représente un objet rare sur un site autochtone de l'époque et parce qu'il pourrait s'agir d'un objet obtenu par la traite.

Le jeton est un jeton de compte dit de Nuremberg, un objet de calcul utilisé dans le commerce et la comptabilité en Europe. De forme circulaire et de grande taille, il mesure de 2,7 à 2,8 cm de diamètre et a une épaisseur de 0,1 cm. L'avers du jeton est fortement usé et l'inscription est largement disparue ou couverte de concrétions. Seules trois lettres sont visibles : « N¿? [. . . ]RO [. . . ] ». Sur le revers, au centre, un écu couronné comporte trois fleurs de lys, et l'inscription « CORNE [LI] VS. LAVFFERS. RE [CHEN] PFENING. » ceinture le rebord du jeton.

Le jeton de Nuremberg est frappé dans la ville de Nuremberg par Cornelius Lauffer durant le règne de Louis XIV. Ce membre de la famille des Lauffer est actif à Nuremberg entre 1658 et 1711. Ce type de jeton, de style français, est frappé avec l'effigie d'un roi français sur l'avers et un écu ou d'autres éléments basés sur les monnaies françaises contemporaines sur le revers. L'avers largement effacé du jeton, ou Rechenpfening, devait alors porter à l'origine le buste de Louis XIV, accompagné d'une inscription à l'image des monnaies émises sous le règne de ce monarque. La détermination de l'âge représenté par le buste aurait pu permettre de mieux cerner l'époque de frappe du jeton.

L'utilisation des jetons de compte comme aide dans la comptabilité est une pratique héritée de l'Antiquité et la fabrication de jetons métalliques, en cuivre ou en laiton s'est graduellement mise en place en Europe à partir de la fin du XIIe ou du XIIIe siècle. À cette époque, l'utilisation des chiffres romains et l'absence du 0 ne permettent pas l'utilisation du calcul écrit pour faire les comptes. Ceux-ci se font au moyen de la planche de comptage, une planche affichant une grille où chaque ligne représente des valeurs croissantes. Les jetons peuvent donc y être placés pour déterminer des valeurs.

À partir du XVe siècle, des jetons métalliques commencent à être fabriqués à Nuremberg, et la ville allemande domine le marché des jetons à partir du XVIe siècle. Après l'introduction du système des chiffres arabes en Europe, au XVIIe siècle, les jetons commencent à perdre leur importance comme aide de calcul, mais continuent à être présents, entre autres comme jetons de jeu. De plus, par leur imagerie, ils peuvent servir la propagande royale. Dans un contexte colonial, les jetons sont aussi utilisés pour la traite avec les Autochtones qui peuvent en faire des pendentifs. Le jeton de la mission Notre-Dame-de-Lorette n'a pas été percé cependant.

Ce jeton a été trouvé lors de fouilles réalisées sur le site du presbytère de L'Ancienne-Lorette en 2018. Il a été mis au jour dans une couche correspondant à un dépotoir qui s'est formé après l'abandon du deuxième presbytère de L'Ancienne-Lorette, vers la fin du XVIIIe siècle. Cette zone de rejet semble comporter des sols bouleversés et contient aussi de nombreux autres artéfacts associés à l'occupation de la mission au XVIIe siècle. Le jeton est maintenant conservé dans les locaux du Laboratoire et de la Réserve d'archéologie du Québec.