Les fragments de pot ont été sélectionnés pour la collection archéologique de référence du Québec, car ils sont associés à l'occupation de la Petite-Ferme du cap Tourmente de Québec (1626-1628) à l'époque de Samuel de Champlain.

Les fragments de pot sont liés à un contenant fabriqué en France, possiblement en Normandie. L'objet en grès français comprend le fond et le rebord du pot. Il présente un fond plat et épais ainsi qu'une base légèrement évasée au profil angulaire. La paroi épaisse s'amincit tout en s'évasant légèrement vers le haut. Le corps dur est de couleur brune, alors que les surfaces externe et interne sont gris foncé.

Le pot est un contenant servant au transport et à l'entreposage d'aliments. À l'époque de la fondation de la colonie de Québec, en France, ce type de jarre sert entre autres à contenir le beurre produit dans la région productrice de grès, la Normandie. Le grès est une céramique durable d'une grande dureté. Les contenants fabriqués avec ce matériau peuvent être déplacés sur de longues distances sans trop de danger, et être réutilisés sur une longue période. Ce pot a pu servir à transporter du beurre de Normandie, ou un autre produit de France jusqu'à la colonie de Québec. Ce dernier est utilisé à la Petite-Ferme du cap Tourmente, construite en 1626. Une fois vide, il sert à nouveau pour l'entreposage de divers produits, dont des gourganes. Il est possible que cette légumineuse soit apportée de France et cultivée sur le site. D'après les traces de brûlure présentes sur toute la surface, le pot est sans doute brisé au cours de l'incendie survenu en 1628 qui a été causé par les frères Kirke et leurs hommes, corsaires à la solde du roi d'Angleterre.

Les fragments de pot sont mis au jour entre 1992 et 1993 sur le site de la Petite-Ferme du cap Tourmente de Québec. Construite par Samuel de Champlain, cette première ferme sert à l'élevage du bétail destiné à l'alimentation des résidents de l'Habitation de Québec. Première ferme bâtie dans la vallée du Saint-Laurent, la Petite-Ferme représente également l'un des premiers sites agricoles de la Nouvelle-France ainsi que l'une des rares traces tangibles des constructions réalisées sous Champlain. Lors des fouilles, le pot est retrouvé avec son contenu, des gourganes.

La gourgane, ou fève des marais, est le fruit d'une variété de la plante Vicia faba. Domestiquée depuis plus de 10 000 ans, la gourgane est connue pour sa valeur nutritionnelle et sa grande taille. Présentant un goût caractéristique, elle est surtout cultivée au Québec pour être cuisinée en soupe. L'utilisation du terme « gourgane » pour désigner une fève proviendrait du dialecte normand. Ce mot décrivait la fève séchée faisant partie des provisions des marins. Des cultures commerciales de fèves des marais sont recensées dans les régions de Montréal et de Québec dès le XVIIe siècle. Cependant, la gourgane disparait de l'alimentation du sud de la province vers la fin du XIXe siècle, en raison du gain de popularité de la pomme de terre, du pois et du haricot, dont la culture est plus adaptée aux étés plus chauds du sud du Québec et dont le goût est jugé meilleur.

Des contenants similaires, fabriqués dans la vallée de la Loire, ont été découverts sur le site de la maison Le Picart et dans les latrines de la maison Perthuis, dans le secteur de Place-Royale à Québec. Dans le premier cas, le contexte est daté entre 1667 et 1759, alors que dans le second, le contexte est daté entre 1724 et 1750.