Laboratoire d'archéologie du Québec
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Fragments d'assiette. Face interneImage
Photo : Joey Leblanc 2018, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Fragments d'assiette. Face externeImage
Photo : Joey Leblanc 2018, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Fragments d'assiette. Détail de la pâteImage
Photo : Joey Leblanc 2018, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

LOCALISATION

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

EdBt-3 > Numéro de catalogue 243

Région administrative

Côte-Nord

MRC

Le Golfe-du-Saint-Laurent

Municipalité

Côte-Nord-du-Golfe-du-Saint-Laurent

Fonction du site

domestique
pêche

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

Les fragments d'assiette font partie de la collection archéologique de référence du Québec parce qu'ils représentent un contenant dont le décor est un élément de culture matérielle très rare au Québec, qui peut servir autant de marqueur temporel que culturel.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

Les fragments d'assiette en majolique, une faïence blanche à décor lustré, est issue de la tradition hispano-mauresque. Elle sert à la prise de repas par un seul individu. Il peut s'agir autant d'aliments liquides, tels des soupes et des ragoûts, que d'aliments solides. Son décor est trop incomplet pour établir un parallèle précis, mais certains traits sont suffisamment identifiables pour associer cette assiette à la tradition hispano-mauresque. Par exemple, la forme évasée de la paroi et du rebord, la présence d'un décor lustré de couleur cuivreuse sur la paroi intérieure et rouge sur la paroi extérieure de l'objet, l'utilisation d'un pinceau double pour peindre des lignes droites et ondulantes parallèles et le décor linéaire sur la paroi extérieure. Sa production serait datée entre le XVIe et le début du XVIIe siècle. Elle pourrait provenir des ateliers aragonais de Muel, près de Saragosse, telles plusieurs écuelles datant de la même époque, retrouvées à Petit Mécatina. Par contre, son décor semble être un peu plus ancien que celui des écuelles. L'assiette a vraisemblablement été transportée à l'île du Petit Mécatina, sur la Basse-Côte-Nord du Québec, à bord d'un baleinier ou d'un bateau de pêche basque.

L'assiette faisait probablement partie des effets personnels de l'un des membres de l'équipage. Perdue ou jetée par son propriétaire lors de son séjour sur le lieu de pêche de Petit Mécatina, elle est trouvée à l'été 2012 dans l'aire 8 du site terrestre. Ce secteur, situé devant l'entrée d'une maison d'hiver inuite construite plus tard sur le site, est très bouleversé et comporte de la culture matérielle datant du XVIe au XVIIIe siècle. L'humidité importante du site, l'eau de ruissellement et l'occupation intense du secteur ont certainement contribué à l'importante fragmentation de l'objet, dont très peu de tessons ont été trouvés, ainsi qu'à son piètre état, puisque les tessons sont fortement émoussés et l'émail a presque entièrement disparu.

Malgré des incertitudes, il est fort probable que cette assiette ait été fabriquée dans un atelier de Muel. La production des majoliques hispano-mauresques s'est brusquement terminée avec la déportation des Morisques de l'Espagne au début du XVIIe siècle. Les Morisques sont un groupe ethnique descendant des anciens conquérants musulmans de l'Espagne, christianisés après la reconquête du territoire espagnol en 1492. Vers la fin de la première décennie du XVIIe siècle, l'Espagne a commencé à les déporter largement provoquant des changements importants. Ainsi, à titre d'exemple, l'année 1610 marque l'année où les Morisques ont été expulsés de l'Aragon sous ordre de la couronne espagnole, menant à l'abandon du village de Muel et donc à la fin subite de cette tradition potière à cet endroit. Cet événement tragique et bouleversant fournit aux archéologues de nos jours un marqueur de datation exceptionnellement précis, lorsqu'une céramique de Muel apparaît dans un contexte archéologique. De même, les objets en majolique de tradition hispano-mauresque disparaîtront pour être remplacés par des productions nouvelles au cours du XVIIe siècle.

RÉFÉRENCES

ALVARO ZAMORA, María Isabel. Cerámica aragonesa. Vol. 2. Zaragoza, Ibercaja, 2002. 255 p.
FITZHUGH, William W. The Gateways Project 2012. Land and Underwater Excavations at Hare Harbor, Petit Mecatina and Little Canso Island. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Smithsonian Institution/Université de Montréal/Artic Studies Center, 2013. 50 p.
MYLES, Virginia. « Majolique espagnole des sites subaquatique et terrestre ». BERNIER, Marc-André, Robert GRENIER et Willis STEVENS. L'archéologie subaquatique de Red Bay : la construction navale et la pêche de la baleine basques au XVIe siècle. Ottawa, Parcs Canada, 2007, p. 120-130.