Laboratoire d'archéologie du Québec
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Grain de chapelet. Vue à l'horizontaleImage
Photo : Joey Leblanc 2018, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Grain de chapelet. Vue du trou d'enfilageImage
Photo : Joey Leblanc 2018, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

LOCALISATION

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

EdBt-3 > Numéro de catalogue 6717

Région administrative

Côte-Nord

MRC

Le Golfe-du-Saint-Laurent

Municipalité

Côte-Nord-du-Golfe-du-Saint-Laurent

Fonction du site

domestique
pêche

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

Le grain de chapelet fait partie de la collection archéologique de référence du Québec parce qu'il est fabriqué en jais, une matière plutôt rare sur les lieux de pêche.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

Le grain de chapelet en jais est trouvé dans un contexte subaquatique de l'île du Petit Mécatina. Il fait probablement partie d'un objet de dévotion du culte chrétien composé de grains enfilés qui sert de guide à un exercice individuel de la prière. Le chapelet aurait été utilisé au XVIe ou au début du XVIIe siècle par un pêcheur basque voyageant à bord d'un baleinier ou d'un vaisseau de pêche jusqu'à l'île du Petit Mécatina.

Étroitement associés à la religion catholique qui joue un rôle prédominant et structurant dans la société espagnole du XVIe siècle, les chapelets font partie intégrante de la vie quotidienne de l'époque. Toutefois, leur découverte en contexte archéologique, surtout dans un contexte économique de chasse à la baleine et de pêche, est peu commune. Ceci s'explique en partie par l'utilisation fréquente de matières périssables comme le bois et l'os pour la fabrication des grains, mais aussi par la valeur idéologique d'un tel objet que l'on ne jetterait pas aux rebuts aussi facilement qu'un objet en céramique brisé et rendu inutilisable ou des restes alimentaires non comestibles.

Différentes versions de chapelets existent, mais ils sont généralement composés d'un certain nombre de séries de dix petits grains, soit dix Ave, représentant la prière Je vous salue Marie, entrecoupés par des grains individuels plus grands, dits Pater, représentant un Notre Père. À cet ensemble s'ajoute une autre série de prières représentées par d'autres perles et une croix, un crucifix, une médaille ou un autre objet pouvant être suspendus du chapelet. La perle en jais retrouvée à l'île du Petit Mécatina est un gros grain, probablement un Pater.

Le jais est un matériau auquel sont attribués des pouvoirs magiques et protecteurs en Espagne depuis l'époque médiévale. Il est donc beaucoup utilisé pour la fabrication d'objets religieux, d'amulettes et de parures. Des chapelets comprenant des perles en jais sont importés dans les colonies espagnoles depuis les années 1590. La production d'amulettes et d'autres objets, dont des perles en jais, se faisait sous un monopole contrôlé par l'Église catholique et était surtout concentrée à Saint-Jacques-de-Compostelle, lieu de pèlerinage depuis au moins le XVe siècle, où elle atteint un sommet durant le XVIe siècle. Un déclin s'amorce au cours du XVIIe siècle en raison de la diminution des pèlerinages. À partir de la fin du XVIe siècle, les Asturies deviennent un autre important producteur d'objets religieux et magiques en jais. Un des éléments sculptés en jais est notamment la coquille Saint-Jacques, qui a une forte association symbolique avec le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. Incidemment, une véritable coquille de pétoncle géant, qui a des ressemblances avec la coquille Saint-Jacques, est également trouvée dans le contexte archéologique dont provient la perle en jais ainsi que d'autres perles de chapelet.

Le grain de chapelet est trouvé en 2012 dans un riche dépôt subaquatique au nord de deux grands monticules de pierres de lest, SP 4 et SP 5. Ce secteur de fouille a livré une panoplie d'autres objets, dont de nombreuses céramiques, tels trois réchauds, plusieurs pots ou marmites, des jarres à olives ibériques et des écuelles en majolique aragonaise. Des pièces de barriques et des déchets de bois témoignant du travail des tonneliers et des charpentiers y sont aussi découverts, de même que des restes alimentaires variés, des récipients en bois, un anneau de vannerie, un manche de couteau, des fragments de chaussures, d'autres perles de chapelet en matériaux variés, des chevrotines et des balles ainsi que des résidus de fabrication de ces munitions, une ancre de petite embarcation, des tuiles à toiture et des pierres de lest. Plusieurs os de baleine et de morue sont trouvés sur le site, confirmant la poursuite de ces cétacés et les activités de pêche par les Basques à Petit Mécatina.

RÉFÉRENCES

DEAGAN, Kathleen. Artifacts of the Spanish Colonies of Florida and the Caribbean, 1500-1800. Volume 2: Portable Personal Possessions. Washington, D.C., Smithsonian Institution Press, 1987. 372 p.
FITZHUGH, William W. The Gateways Project 2012. Land and Underwater Excavations at Hare Harbor, Petit Mecatina and Little Canso Island. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Smithsonian Institution/Université de Montréal/Artic Studies Center, 2013. 50 p.
STONE, Lyle M. Fort Michilimackinac, 1715-1781: An Archaeological Perspective on the Revolutionary Frontier. Anthropological Series, 2. s.l. Michigan State University Museum, East Lansing, 1974. 367 p.