Mille millions de mille supports! Conservation préventive et collections archéologiques
par André Bergeron, Centre de conservation du Québec, ministère de la Culture et des Communications.
Les objets découverts en contexte archéologique sont rarement complets. Souvent, leur état fragmentaire, combiné à leur grande fragilité, requiert la production de supports sur mesure pour leur mise en réserve. La fabrication de tels supports relève de la conservation préventive, un aspect essentiel de la préservation des collections patrimoniales.
Le défi de la mise en valeur
Lorsque l’intention est d’assurer la présentation d’une collection de façon sécuritaire, la préservation doit se coordonner avec plusieurs aspects liés à la muséographie, notamment le design de l’exposition et l’esthétique de la finition du support.
Mais que ce soit pour la mise en réserve ou une exposition, la préservation à long terme constitue le premier objectif à atteindre lors de la fabrication d’un support. La stabilité des matériaux utilisés revêt une grande importance, puisque les objets devront souvent demeurer sur leur support pendant de longues périodes de temps. L’utilisation de matériaux instables ou dégageant des composés organiques volatils (COV), comme certaines essences de bois, sera préjudiciable à de nombreux types d’objets qui seraient installés dans la même vitrine. Il faut également tenir compte du risque de déformation (temporaire ou permanente) causé par l’absence de soutien ou par un soutien inapproprié.
Le support conçu pour la mise en valeur, en plus de réaliser un objectif de préservation à long terme, se doit d’être discret et de ne pas distraire un éventuel visiteur de la contemplation de l’objet présenté. Une variété surprenante de supports adaptés à toutes sortes d’objets, grands ou petits, peut être produite grâce à un nombre limité de matériaux. Utilisés seuls ou en combinaison, le plexiglas, la pâte époxy et les tiges métalliques permettent la production de supports adaptés à de nombreuses situations.
Le cas d’un objet fragile
© CCQ, André Bergeron, 2018.
Dans le cas de cette chope, particulièrement fragile, le pied de l’objet manquait. En raison de son caractère fragmentaire, la solution retenue a consisté à utiliser un bloc de plexiglas correspondant au diamètre intérieur de l’objet. La hauteur du support a été calculée en fonction de la hauteur présumée de l’objet.
Vu d’un certain angle, le support devient presque invisible. La tige de plexiglas a été dépolie à l’aide d’un jet de microbilles de verre pour diminuer la réflexion de la lumière à sa surface. Comme le plexiglas possède un certain poids, l’objet est très stable et ne risque pas de basculer. Cette approche permet de minimiser l’intervention sur l’objet. Dans quelques années, si le support devient désuet ou si une meilleure solution est découverte, il sera facile de le remplacer.
© CCQ, André Bergeron, 2018.
Un objet à compléter
Une intervention de restauration permet parfois un ajout judicieux de matériaux qui serviront à stabiliser un objet incomplet et à en améliorer la lecture. Dans le cas suivant, le col de cette jarre en grès ne possédait pas de point de contact avec le reste de l’objet. Une broche de métal a été ajoutée à l’objet pour lui permettre de tenir à la verticale. L’esthétique de l’intervention sur cet objet, qui avait été jugée acceptable à une époque, ne convenait plus.
© CCQ, André Bergeron, 2019.
© CCQ, André Bergeron, 2019.
Après la reprise de restauration de la jarre, un support pour remplacer les pièces de renfort et le pied métallique a été conçu. Une tige de plexiglas matelassée, avec un tube de silicone au point de contact avec la jarre, permet d’en supporter le col. Dans la partie supérieure, de petites tiges métalliques ont été insérées pour que l’on y dépose le col. L’ensemble est entièrement démontable si la jarre doit être sortie de la réserve archéologique et placée dans une boîte de transport.
Des choix à faire
Même si un objet est complet, il n’est pas toujours souhaitable de présenter l’ensemble des éléments qui le composent. C’est le cas pour ce petit tonneau en bois. Pour mieux comprendre l’ensemble de l’objet et voir son intérieur, il a été décidé de ne présenter qu’une partie des douves qui le composent.
De petites tiges de bois ont été munies de pièces métalliques assez souples pour se conformer à chaque douve. Ce sont les pièces métalliques, matelassées au point de contact avec le bois, qui maintiennent les douves en place. Le fond du tonneau repose dans une cavité creusée dans de la mousse, et le bois est protégé par un revêtement de tissu.
© CCQ, André Bergeron, 2018.
Ce qui est acceptable pour un petit objet ne convient cependant plus pour une cuve de plus d’un mètre soixante de diamètre.
Pour cette cuve en bois, une plateforme de contreplaqué a été découpée pour se conformer au fond de l’objet; elle a été matelassée au point de contact.
© CCQ, André Bergeron, 2017.
Des pièces en aluminium, vissées dans la base du support, permettent de maintenir les douves en place. Chaque pièce d’aluminium a été espacée pour respecter la largeur de chaque douve. Une tige métallique maintient la douve dans le bon angle en fonction de la circonférence de l’objet. Lors de l’installation de l’objet sur son support, les douves sont simplement déposées au bon endroit et retirées à la fin de l’exposition.
© CCQ, Guy Couture, 2016.
© CCQ, André Bergeron, 2018.
Pour diminuer l’espace qu’il occupe au sol après son utilisation, le support est simplement placé à la verticale grâce au repli partiel des pièces de support en aluminium.
© CCQ, André Bergeron, 2019.
La mise en valeur dans le cadre d’une exposition est davantage un art qu’un simple assemblage temporaire de matériaux. Bien entendu, chaque support conçu a une durée de vie utile limitée. Contrairement aux biens patrimoniaux, les supports seront éventuellement éliminés après utilisation.
Lorsque l’on considère l’expérience, l’habileté et les connaissances requises pour arriver à un résultat adéquat, force est de constater que cet aspect méconnu de la muséologie possède une grande importance pour la préservation à long terme des collections.
En savoir plus
Barclay, Robert, Bergeron, André, et Carole Dignard. « Supports pour objets de musée : de la conception à la fabrication », Ottawa, Institut canadien de conservation, 2002 (1re édition, 1998, 3e édition en préparation), 74 pages. (version électronique disponible en 2020)
Bergeron, André. « La restauration des céramiques archéologiques : quelques exemples du cheminement d’une pratique », Québec, Centre de conservation du Québec, 2007, 160 pages.
Remerciements : Frédérique Corbin, Centre de conservation du Québec.
© Centre de conservation du Québec (CCQ), Guy Couture, 2019.
© CCQ, Jacques Beardsell, 2006.