Fort de Ville-Marie
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Les perles de verre :
de petits objets plus précieux qu’il n’y parait

Adelphine Bonneau

Depuis l’invention du verre, il y a environ 5000 ans, les perles de verre participent à la parure des hommes et des femmes, ainsi qu’à la décoration de leurs bâtiments. Très rapidement, elles se révèlent être un objet privilégié pour les échanges. Elles sont produites en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.

À partir du XVIe siècle, la production européenne se concentre surtout dans la région de Venise (Italie), en Bohême et aux Pays-Bas. Des centres de plus faible ampleur sont aussi attestés dans l’ensemble de l’Europe, par exemple en Angleterre, en France, en Espagne, et peut-être même en Russie. Selon les sources écrites, chaque région semble utiliser des verres spécifiques et fabriquer des types particuliers. Les découvertes archéologiques européennes ne reflètent pas cette diversité et ne permettent pas encore de disposer de référentiels à grande échelle. Dans ces conditions, il est difficile de connaître l’origine exacte d’une perle de verre en se basant sur son décor, sa forme et sa couleur. Il faut alors recourir à des analyses physico-chimiques.

Afin de satisfaire la demande des colons et des marchands qui commercent en Asie, en Afrique, et dans les Amériques, des millions de perles de verre sont produites. Ces menus objets sont particulièrement appréciés par les populations autochtones à travers le monde, pour leur solidité et leur grande diversité de couleurs, de décors et de formes. Elles remplacent progressivement, mais pas complètement, les perles en coquillage, en os et en pierre, et certaines perles de verre de production locale, notamment en Afrique et en Asie

En Nouvelle-France, elles sont échangées contre des fourrures. Si les Européens les considèrent comme de la « pacotille », elles revêtent une grande importance symbolique pour les Autochtones. Ils les utilisent pour décorer leurs vêtements ou fabriquer des bijoux. Ils les troquent aussi entre Nations. On retrouve des perles de verre, en faible quantité parmi les perles de coquillages, autour de colliers (ou ceintures) de wampum. Ces objets avaient certainement une signification et une fonction différentes de celles des wampums traditionnels, utilisés pour sceller des accords et des traités entre les Premières Nations ou avec les Européens.

Cependant, il est possible de remettre en cause cette apparence « d’objet de peu de valeur ». En effet, certaines perles sont faites de verres extrêmement couteux, tel le verre « aventurine » (verre à base de cuivre ayant un aspect doré) et de décors complexes impliquant des artisans avec un grand savoir-faire.

Les perles sélectionnées pour constituer la Collection archéologique de référence du Québec sont représentatives de différents types, des plus communs aux plus rares, datant du milieu du XVIe au début du XXe siècle. Elles montrent la diversité des couleurs, des formes, des décors, des méthodes et des régions de fabrication, en s’appuyant sur les données chronologiques disponibles. La sélection est agrémentée de quelques objets faits de perles de verre tels que des chapelets et des bijoux, dénotant d’autres utilisations que le troc.

La liste d’objets présentée repose sur la typologie des perles de verre nord-américaines publiée par Kenneth et Martha Kidd en 1972 puis augmentée par Karlis Karklins entre 1980 et 2012. Elle comporte des perles produites avec des verres et des procédés de fabrication spécifiques, propres à une période et/ou une région, notamment pour les XIXe et XXe siècles.

Les perles de verre sont parmi les objets les plus fréquemment retrouvés sur les sites archéologiques au Québec. A cause de leur petite taille et de leur grand nombre, elles ont souvent été délaissées des études archéologiques. Elles sont néanmoins une source importante d’informations sur la parure, les échanges et les contacts entre Européens et Autochtones, et se révèlent bien plus précieuses qu’elles ne le paraissent.

ARTÉFACTS DE CETTE FAMILLE
Collier de perles de verre
Monnaie d’échange, parure personnelle ou élément de décoration? Cet ensemble de perles retrouvées dans les latrines de la Maison Guillaume-Estèbe à Place-Royale à Québec (CeEt-7) est associé à la période comprise entre 1653 et 1800. Il pourrait s’agir d’un collier ou encore d’une guirlande utilisée pour décorer la maison.
© Pointe-à-Calllière, photo Julie Toupin, 2017.
Ensemble de perles de verre
Dès le XVIe siècle et bien avant leur présence sur le continent américain, les perles voyagent à travers l’Europe pour être échangées. Collection de perles de verre provenant de l’épave Gagiana (1583), navire vénitien (Ile de Gnalic, Croatie).
Photo © Adelphine Bonneau, 2017.